BOAT PEOPLE : Oh la la… C’est beau la France [Part 5]

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Il est 7 h, Paris s’éveille…

11 jours de voyage, 12 heures de vol et 14 000 km plus tard, nous voilà enfin en France, nous voilà à l’aéroport d’Orly… Ça grouille dans tous les sens. Il y a du monde partout. Les gens marchent vite. Ils parlent entre eux, je ne sais pas trop ce qu’ils se disent. Ce brouhaha permanent commence à me faire tourner la tête. Je décide alors de sortir prendre un peu d’air. Bonjour Paris…Bonjour le choc thermique. Il fait super froid, ici! Pour la 1ère fois de ma vie, j’ai la chair de poule. Je me précipite à l’intérieur pour me blottir contre mon père. Et c’est à ce moment qu’a été prise cette incroyable photo de ma famille attendant tranquillement à l’aéroport.

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Saigon-Paris – 14 000 km (googlemap)

Nous sommes ensuite amenés dans un foyer à Épinay-sur-Seine. Ce n’est pas encore notre destination finale. Ce n’est qu’une étape, le temps de régler toutes les formalités administratives. Combien de mois, combien de jours y sommes-nous restés? Je n’en ai pas la moindre idée. Mais jamais je n’oublierai ces moments. Mes plus beaux souvenirs datent de cette époque. Je découvrais avec mes yeux d’enfant la France. Chaque chose était une découverte, chaque jour me réservait des surprises.Tout me paraissait incroyablement démesuré. Je contemplais ce monde qui m’entourait. Je faisais attention au moindre détail.

Je passais des heures la tête en l’air à admirer les gratte-ciels. Je m’allongeais sur l’herbe et j’imaginais ce qu’on pouvait ressentir d’en haut; j’essayais en vain de compter les étages sans y parvenir. C’est normal, je ne savais que compter jusqu’à 10 !

Je passais des heures à monter et à descendre les escalators. Je marchais, je courrais, j’allais à contre-sens, je m’asseyais sur la rambarde… je faisais tout ce qui me passait par la tête. Je tombais, et je me faisais mal mais je continuais car je m’éclatais comme un fou. Je faisais la même chose avec les ascenseurs. J’appuyais sur tous les boutons. Je montais, je descendais. Je remontais, je redescendais…Et encore maintenant, dès que je suis dans un ascenseur, j’ai cette envie d’appuyer sur tous les boutons !

Je passais des heures à regarder un groupe d’adolescents. Ils me fascinaient. J’observais leurs moindres faits et gestes. C’était surprenant de les entendre parler sans comprendre un seul mot. Cela devait être cool puisqu’ils rigolaient sans arrêt. Ils mangeaient des oranges en faisant un trou afin d’en presser le jus alors que ma mère elle les épluchait. C’est certainement la façon cool de manger les oranges. Et longtemps, j’ai mangé les oranges comme eux ! Ils faisaient de la mobylette, ils avaient un magnétophone et écoutaient de la musique (Sunny ou Ma baker de Boney M, je crois). Ils étaient trop cool et moi aussi je voulais être cool. Because Daddy cool !

À force de les regarder, ils se sont pris d’affection pour moi et m’ont adopté dans leur groupe. Ils m’ont donné une orange. Ils m’ont promené sur leur porte bagage. Ils me disaient des choses, je ne comprenais toujours rien mais je souriais parce que je me sentais bien. J ‘étais un grand, j’étais devenu cool !

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Mon frère, de son côté, n’a pas perdu son temps non plus. C’était un vrai filou ! Je ne sais pas comment il a fait mais il a vite compris le potentiel des bouteilles consignées. Il m’a expliqué qu’on pouvait les échanger contre de l’argent. Décidément, ce pays commence vraiment à me plaire! Quel drôle d’idée de jeter de l’argent, il ne faut pas gâcher. Alors on faisait tous locaux à poubelles pour ramasser notre trésor.
Une fois échangé contre de l’argent, il m’explique qu’il y a un endroit avec plein choses qu’on pourrais acheter grâce à notre argent. Ça s’appelle un supermarché 🙂

Il m’y emmène, c’est la révélation. C’est la plus belle chose qui me soit arrivée jusqu’à présent. C’est la plus belle image de ma vie, mon plus beau souvenir de la France. Je suis dans le rayon confiseries. Il y a en avait des bonbons, de toutes sortes, de toutes les couleurs. VOUS, vous voyez de simples sucreries mais MOI, un petit garçon du tiers monde, je vois le paradis! La France est un gigantesque rayon de bonbons. La France, c’est le pied! J’ADORE LA FRANCE. Papa, on ne s’évade plus, je reste ici. Je ne bouge plus !

Aujourd’hui, je chéris chaque instant, chaque souvenir de cette époque car ils me rappellent d’où je viens et me font apprécier la valeur de chaque chose même les plus simples.

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Mon père de son côté, n’a pas chômé non plus. Il passait son temps dans les paperasses. Comme pour la Thaïlande, nous avons eu un accueil très médiatisé. Il a été interviewé, il y a eu des articles sur nous. France Inter a beaucoup fait pour ma famille. Je me souviens encore de tous ces objets publicitaires qu’ils nous ont donnés. Ma famille et moi étions devenus des hommes-sandwich pour France Inter. On a porté les t-shirts, les coupe-vents, les sacs à dos. On écrivait avec leurs stylos. Et c’est grâce à eux mon père a pu retrouver son ancien patron à Marseille. Et deux mois après, il a été embauché. On nous a alors trouvé une ville et une maison pour nous y installer. Nous voilà au Val de Reuil, une ville nouvelle de Normandie en pleine construction. C’est le début de l’hiver.

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Finies les vacances! Mes parents se sont transformés en véritables tortionnaires de l’éducation. Il fallait que je sois prêt pour aller à l’école après les fêtes de Noël. Ainsi commence mon apprentissage du français…

NOTES
1. La photo en couverture a une valeur sentimentale inestimable. Elle a été prise par un journaliste. C’est la 1ère photo de ma famille à notre arrivée en France à l’aéroport d’Orly. Je suis le petit garçon à gauche, toujours souriant ! Mon père, au centre, semble soulagé. Mais si on regarde attentivement, on devine sa fatigue car il a été très éprouvé moralement et physiquement par cette épreuve.

2.  J’ai vécu une histoire exceptionnel! Une anecdote de 11 jours qui a changé le cours de ma vie. Mais l’aventure n’est pas finie, je continue de la vivre intensément au quotidien à Roubaix, ma ville d’adoption. Et je ne remercierais jamais assez tous ceux qui ont croisé notre route, qui nous ont aidé et qui m’ont permis de faire de ma vie ce qu’elle est aujourd’hui.

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